De l’extradition

Chapitre I- Des conditions de l’extradition


Art. 694– Sauf dispositions contrai­res résultant des traités ou conven­tions diplomatiques, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les prescriptions du présent livre.

Art. 695– Aucune remise ne pourra être faite à un gouvernement étran­ger de personne n’ayant pas été l’objet d’une condamnation pour une infraction prévue par le présent titre.

Art. 696– Le gouvernement algérien peut livrer, sur leur demande, aux gouvernements étrangers, tout indi­vidu non algérien qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condam­nation prononcée par ses tribunaux, est trouvé sur le territoire de la répu­blique.

Néanmoins, l’extradition n’est ac­cordée que si l’infraction, cause de la demande, a été commise :

– Soit sur le territoire de l’état requérant par un sujet de cet état ou par un étranger;
– Soit en dehors de son terri­toire par un sujet de cet état;
– Soit en dehors de son terri­toire par un individu étranger à cet état, quand l’infraction est au nom­bre de celles dont la loi algérienne autorise la poursuite en Algérie, alors même qu’elles ont été commi­ses par un étranger à l’étranger.

Art. 697– Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de demander ou de l’accor­der, sont les suivants :

1- Tous les faits punis de pei­nes criminelles par la loi de l’état requérant;
2- Les faits punis de peines de peines délictuelles par la loi de l’état requérant, quand le maximum de la peine encourue, aux termes de cette loi, et de deux ans ou au des­sus, ou s’il s’agit d’un condamné, quand la peine prononcée par la ju­ridiction de l’état requérant est égale ou supérieure à deux mois d’emprison­nement.

En aucun cas, l’extradition n’est ac­cordée si le fait n’est pas puni par la loi algérienne d’une peine criminelle ou délictuelle.

Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes à condition qu’ils soient punissables d’après la loi de l’état requérant et d’après celle de l’état requis.


Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par l’individu réclamé et qui n’ont pas été encore jugées, l’extradition n’est accordée que si le maximum de la peine en­courue, d’après la loi de l’état requé­rant pour l’ensemble de ces infrac­tions, est égal ou supérieur à deux ans d’emprisonnement.

Si l’individu réclamé a été antérieu­rement l’objet, en quelque pays que ce soit, d’une condamnation défini­tive à deux mois d’emprisonnement ou plus pour un délit de droit com­mun, l’extradition est accordée sui­vant les règles précédentes, c’est-à-dire seulement pour les crimes ou délits, mais sans égard au taux de la peine encourue ou prononcée pour la dernière infraction.

Les dispositions précédentes s’appli­quent aux infractions commi­ses par des militaires, marins ou as­similés lorsqu’elles sont punies par la loi algérienne comme infractions de droit commun.

Art. 698– L’extradition n’est pas accordée dans les cas ci-après :

1- Lorsque l’individu, objet de la demande, est de nationalité al­gérienne, cette qualité étant appré­ciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est requise;

2- Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique;

3- Lorsque les crimes ou dé­lits ont été commis sur le territoire algérien;
4- Lorsque les crimes ou dé­lits, quoique commis hors du terri­toire algérien, y ont été poursuivis et jugés définitivement;

5- Lorsque, d’après les lois de l’état requérant ou celles de l’état requis, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition ou la prescription de la peine antérieure­ment à l’arrestation de l’individu ré­clamé et, d’une façon générale, tou­tes les fois que l’action publique de l’état requérant sera éteinte;

6- Si une amnistie est interve­nue dans l’état requérant ou si une amnistie est intervenue dans l’Etat requis, à la condition que dans ce dernier cas l’infraction soit au nom­bre de celles qui peuvent être pour­suivies dans cet état lorsqu’elles ont été commises hors du territoire de cet état par un étranger à cet état.

Art. 699– Si, pour une infraction unique, l’extradition est demandée concurremment par plusieurs Etats, elle est accordée de préférence à l’Etat contre les intérêts duquel l’infraction était dirigée ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise.

Si les demandes concurrentes ont pour cause des infractions différen­tes, il est tenu compte, pour décider de la priorité, de toutes circonstances de fait, notamment de la gravité re­lative, du lieu des infractions, de la date respective des demandes et de l’engagement qui serait pris par l’un des états requérants de procéder à la réextradition.

Art. 700– Sous réserve des excep­tions prévues ci-après, l’extradition n’est accordée qu’a la condition que l’individu extradé ne sera ni pour­suivi, ni puni pour une infraction autre que celle ayant motivé l’extradition.

Art. 701– Dans le cas où un étranger est poursuivi ou été condamné en Algérie et où son extradition est de­mandée à raison d’une infraction différente, la remise n’est effectuée qu’après que la poursuite est termi­née, et en cas de condamnation, après que la peine a été exécutée.

Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que l’étranger puisse être envoyé temporairement pour comparaître devant les tribu­naux de l’Etat requérant, sous la condition expresse qu’il sera ren­voyé dès que la justice étrangère aura statué.

Est régi par les dispositions du pré­sent article, le cas où l’étranger est soumis à la contrainte par corps par application des lois algériennes.

Chapitre II- De la procédure d’extradition


Art. 702– Toute demande d’extra­dition est adressée au gou­vernement algérien par voie diplo­matique et accompagnée, soit d’un jugement ou d’un arrêt de condam­nation, même par défaut ou par contumace, soit d’un acte de procé­dure criminelle ordonnant formelle­ment ou opérant de plein droit le renvoi de l’inculpé ou de l’accusé devant la juridiction pénale, soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné par l’autorité judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l’indication précise du fait pour le­quel ils sont délivrés et la date de ce fait.

Les pièces ci-dessus mentionnées doivent être produites en original ou en expédition authentique.

Le gouvernement requérant doit produire en même temps la copie des textes applicables au fait incri­miné et joindre un exposé des faits de la cause.

Art. 703– la demande d’extradition est, après vérification des pièces, transmise avec le dossier, par le mi­nistre des affaires étrangères au mi­nistre de la justice, lequel s’assure de la régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit.

Art. 704– Dans les vingt-quatre heu­res de l’arrestation, le procureur de la république procède à un interro­gatoire d’identité et notifie à l’étranger le titre en vertu duquel l’arrestation a eu lieu. Il adresse pro­cès-verbal de ces opérations.

Art. 705– L’étranger est transféré dans les plus brefs délais et écroué
à l’établissement pénitentiaire d’Alger.

Art. 706– Les pièces produites à l’appui de la demande d’extradition sont en même temps transmises au procureur général près la cour su­prême qui procède, dans un délai de vingt-quatre heures, à un interroga­toire dont il est dressé procès-verbal.

Art. 707– La chambre criminelle de la cour suprême est saisie, sur-le-champ, des procès-verbaux susvisés et de tous autres documents. L’étranger comparaît devant elle dans un délai maximum de huit jours, à compter de la notification des pièces. Sur la demande du mi­nistère public ou du comparant, un délai supplémentaires de huit jours peut être accordé, avant les débats. Il est ensuite procédé à un interroga­toire dont le procès-verbal est dressé. L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit décidé autre­ment, sur la demande du parquet ou du comparant.

Le ministère public et l’intéressé sont entendues. Ce dernier peut se faire d’un avocat agréé et d’un inter­prète. Il peut être mis en liberté pro­visoire à tout moment de la procé­dure.

Art. 708– Si, lors de sa comparu­tion, l’intéressé déclare renoncer au bénéfice des dispositions qui précè­dent et consent formellement à être livré aux autorités du pays requérant, il est donné acte par la cour de cette déclaration.

Copie de cette décision est transmise sans retard par les soins du procu­reur général au ministre de la justice à toutes fins utiles.

Art. 709– Dans le cas contraire, la cour suprême donne son avis motivé sur la demande d’extradition.

Cet avis est défavorable, si la cour estime qu’il y a erreur, que les conditions légales ne sont pas rem­plies.

Le dossier doit être renvoyé au mi­nistre de la justice dans un délai de huit jours à dater de l’expiration des délais prévus à l’article 707.

Art. 710– si la cour suprême, par avis motivé, rejette la demande d’extradition, cet avis est définitif et l’extradition ne peut être accordée.

Art. 711– dans le cas contraire, le ministre de la justice propose, s’il y a lieu, à la signature, un décret auto­risant l’extradition. Si, dans le délai d’un mois à compter de la notifica­tion de ce décret au gouvernement de l’État requérant, l’extradé n’a pas été reçu par les représentants de cet État, il est mis en liberté et ne peut plus être réclamé pour la même cause.

Art. 712– en cas d’urgence et sur la demande directe des autorités judi­ciaires du pays requérant, le procu­reur général près la cour, peut, sur un simple avis transmis, soit par la poste, soit par tout autre mode de transmission plus rapide laissant une trace écrite ou matériellement équi­valente, de l’existence d’une pièce indiquées à l’article 702, ordonner l’arrestation provisoire de l’étranger.

Un avis régulier de la demande de­vra être transmis en même temps, par voie diplomatique, par la poste, par télégraphe ou par tout mode de transmission, laissant une trace écrite au ministère des affaires étrangères.

Le procureur général doit informer de cette arrestation le ministre de la justice et le procureur général près la cour suprême.

Art. 713– (ordonnance n° 69-73 du 16 septembre 1969). L’individu, ar­rêté provisoirement dans les condi­tions prévues par l’article 705, peut être mis en liberté si, dans le délai de quarante-cinq jours, à dater de son arrestation, le gouvernement algé­rien ne reçoit pas l’un des docu­ments, mentionnés à l’article 702.

La mise en liberté est prononcée sur requête adressée à la cour suprême qui statue, sans recours, dans les huit jours. Si ultérieurement, les pièces susvisées parviennent au Gouver­nement algérien, la procédure est re­prise, conformément aux articles 703 et suivants.

Chapitre III- Des effets de l’extradition


Art. 714– l’extradition obtenue par le Gouvernement algérien est nulle, si elle est intervenue en dehors des cas prévus par le présent titre.

La nullité est prononcée, même d’office, par la juridiction d’instru­ction ou de jugement dont l’extradé relève, après sa remise.

Si l’extradition a été accordée en vertu d’un arrêt ou d’un jugement définitif, la nullité est prononcée par la chambre criminelle de la cour su­prême.

La demande en nullité formée par l’extradé n’est recevable que si elle est présentée dans un délai de trois jour, à compter de la mise en de­meure qui lui est adressée, aussitôt après son incarcération, par le procu­reur de la République. L’extradé est informé, en même temps, du droit qui lui appartient de choisir ou de se faire désigner un défenseur.

Art. 715– la même juridiction est juge de la qualification donnée aux faits qui ont motivé la demande d’extradition.

Art. 716– dans le cas où l’extra­dition est annulée, l’extradé, s’il n’est pas réclamé par le gouver­nement requis, est mis en liberté et ne peut être repris, soit à raison des faits qui ont motivé son extradition soit à raison des faits antérieurs, que si dans les trente jours qui suivent la mise en liberté, il est arrêté sur le territoire algérien.

Art. 717– est considéré comme soumis sans réserve à l’application des lois de l’État requérant, à raison d’un fait quelconque antérieur à l’extradition et différant de l’infra­ction qui a motivé cette me­sure, l’individu livré qui a eu pen­dant trente jours, à compter de son élargissement définitif, la possibilité de quitter le territoire de cet état.

Art. 718– dans le cas où, l’extra­dition d’un étranger ayant été obte­nue par le Gouvernement algé­rien, le gouvernement d’un pays tiers sol­licite à son tour du Gouver­nement algérien l’extradition du même individu à raison d’un fait antérieur à l’extradition, autre que celui jugé en Algérie et non connexe à ce fait, le Gouvernement ne défère, s’il y a lieu, à cette requête, qu’après s’être assuré du consentement du pays par lequel l’extradition a été accordée.

Toutefois, le consentement prévu à l’alinéa précédent n’est pas exigé lorsque l’individu extradé a eu, pen­dant le délai fixé à l’article 717, la possibilité de quitter le territoire al­gérien.

Chapitre IV- Du transit


Art. 719– l’extradition, par voie de transit à travers le territoire algérien ou par les bâtiments des services maritimes algériens, d’un individu de nationalité quelconque, livré par un autre gouvernement, est autori­sée, sur demande par voie diploma­tique, appuyée des pièces nécessai­res pour établir qu’il ne s’agit pas d’un délit politique.

En cas d’atterrissage fortuit, lorsque la voie aérienne est utilisée, cette notification produit les effets de la demande d’arrestation provisoire vi­sée à l’article 712 et l’État requérant adresse une demande de transit dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article.

Cette autorisation d’extradition par voie de transit ne peut être donnée qu’aux puissances qui accordent, sur leur territoire, la même faculté au gouvernement algérien.

Le transport s’effectue sous la conduite d’agents algériens et aux frais du gouvernement requérant.

Chapitre V- Des objets saisis


Art. 720– La cour suprême décide, s’il y a lieu ou non, de transmettre en tout ou en partie les titres, va­leurs, espèces ou autres objets saisis au gouvernement requérant.

Cette remise peut avoir lieu, même si l’extradition ne peut s’accomplir par suite de l’évasion ou de l’individu réclamé.

La cour suprême ordonne la restitu­tion des pièces et autres objets énu­mérés ci-dessus qui ne se rapportent pas au fait imputé à l’étranger. Elle statue, le cas échéant, sur les récla­mations des tiers détenteurs et autres ayants-droit.

Des commissions rogatoires et de la notification des actes ou jugements


Art. 721– En cas de poursuites pé­nales non politiques dans un pays étranger, les commissions rogatoires émanant de l’autorité étrangère sont reçues par la voie diplomatique et transmises au ministère de la justice dans les formes prévues à l’article 703. Les commissions rogatoires sont exécutées, s’il y a lieu, et conformément à la loi algérienne, le tout sous réserve de réciprocité.

Art. 722– Au cas de poursuites pé­nales exercées à l’étranger, lors­qu’un gouvernement étranger juge nécessaire la notification d’un acte de procédure ou d’un jugement à un individu résidant sur le terri­toire algérien, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux arti­cles 702 et 703, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction. La notifi­cation est faite à personne à la re­quête du ministère public, par les soins d’un agent compétent.

L’original constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant, le tout sous réserve de réciprocité.

De la communication des pièces ou de documents


Art. 723– Lorsque, dans une cause pénale instruite à l’étranger, le gou­vernement étranger juge nécessaire la communication de pièces à conviction ou de document se trou­vant entre les mains des autorités al­gériennes, la demande est faite par la voie diplomatique. Il y est donné l’obligation de renvoyer les pièces et documents dans les plus brefs délais.

Art. 724– Si, dans une cause pénale, la comparution personnelle d’un té­moin résidant en Algérie est jugée nécessaire par un gouvernement étranger, le Gouvernement algérien, saisi de la citation par la voie diplo­matique, engage ledit témoin à se rendre à l’invitation qui lui est adressé.

Néanmoins, la citation n’est reçue et signifiée qu’à la condition que le témoin ne pourra être poursuivi ou détenu pour des faits ou condamna­tions antérieurs à sa comparution.

L’envoi des individus détenus, en vue d’une confrontation, doit être demandé par la voie diplomatique. Il est donné suite à la demande, à moins que des considérations parti­culières ne s’y opposent, et sous la condition de renvoyer ces détenus dans le plus bref délai.

En outre, il est fait application des dispositions du 2e alinéa du présent article.

Art. 725– L’exécution des actes ou procédures prévus aux articles 721, 722, 723 et 724 est soumise à la condition de réciprocité de la part de l’État dont émanent les demandes.

Dispositions diverses ou transitoires

Art. 726– Tous les délais prévus au présent code sont des délais francs. Ils ne comprennent ni le jour initial, ni celui de l’échéance.

Les jours fériés sont comptés comme jours utiles dans le calcul du délai.

Si le dernier jour d’un délai est en totalité ou en partie non ouvrable, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Art. 727– Abrogé par la loi n° 82-03 du 13 février 1982.

Art. 728– Abrogé par l’ordonnance n° 75-46 du 17 juin 1975.

Art. 729– Toutes dispositions contraires à la présente ordonnance sont abrogées.

Art. 730– La présente ordonnance prend effet à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°65-278 du 16 novembre 1965 susvisée et sera publiée au journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 08 juin 1966 HOUARI BOUMEDIENE